Coton : les Etats-Unis au secours de leurs producteurs

13 juin 2016
Jean-Christophe Debar, directeur de FARM


En annonçant, le 6 juin, une aide de 300 millions de dollars aux producteurs de coton, le département américain de l’Agriculture (USDA) montre que la réforme mise en œuvre par le farm bill de 2014 pour libéraliser ce secteur est bien fragile. Car cette aide n’était pas planifiée : elle est destinée à soulager les producteurs touchés par la baisse des prix du coton, même si elle est présentée officiellement comme un nouveau « programme de cofinancement des coûts d’égrenage », visant à « étendre et maintenir la commercialisation du coton ». Le National Cotton Council of America est plus franc : son président a aussitôt remercié le secrétaire à l’Agriculture pour la réponse apportée aux « vrais besoins » des producteurs, compte tenu de « la forte diminution du chiffre d’affaires due en partie à la concurrence étrangère lourdement subventionnée ».

Nous avons analysé en détail (voir article à ce lien) la modification du système de soutien au coton réalisée par les Etats-Unis en 2014 pour mettre fin au différend qui, depuis dix ans, les opposait au Brésil suite à une plainte de ce pays à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Retenons simplement que le farm bill a supprimé l’octroi aux producteurs de coton de deux paiements directs, toujours versés aux producteurs de céréales et d’oléagineux : d’une part, une aide forfaitaire découplée, versée quel que soit le niveau de la production et des prix ; d’autre part, un « paiement anticyclique », déclenché si le prix de marché du coton tombait sous le seuil de 71 cents/livre[1]. Le montant cumulé de ces deux subventions, qui permettaient d’amortir les fluctuations du marché, pouvait atteindre en moyenne jusqu’à 260 dollars par hectare de « base coton »[2]. Pour faciliter l’ajustement, la législation a prévu le versement d’une « aide transitionnelle » estimée à 528 millions de dollars, montant légèrement inférieur à celui de l’aide forfaitaire découplée accordée précédemment aux producteurs de coton.      

L’encre du farm bill à peine sèche, ces derniers n’ont eu de cesse de tenter de récupérer, par une voie détournée, les aides qui venaient de leur être retirées. Ils ont d’abord demandé à l’USDA d’intégrer la graine de coton dans le régime de soutien aux oléagineux, pour recevoir à nouveau une aide forfaitaire et un paiement anticyclique (qui ne seraient plus, dès lors, fondés sur le rendement en fibre). Ces efforts n’ayant pas abouti, ils ont soufflé au gouvernement américain l’idée de la création d’un programme de cofinancement des coûts d’égrenage. Il est intéressant de noter que les 300 millions de dollars accordés au titre de ce programme représentent environ 60 % du budget de l’aide transitionnelle.

Le farm bill de 2014 n’a pas, loin s’en faut, éliminé tout soutien aux producteurs de coton. Ils continuent de bénéficier d’un prix minimum, compris entre 45 cents et 52 cents/livre, et d’une assurance chiffre d’affaires, fortement subventionnée, qui garantit la majeure partie de la recette d’un hectare de coton telle que prévue sur la base du prix à terme projeté au moment des semis. Le Congrès a en outre créé un nouveau dispositif assuranciel, le STAX, qui réduit la franchise de l’assurance chiffre d’affaires, normalement à la charge des producteurs. Mais si les assurances protègent contre une baisse du prix ou du rendement du coton, elles reposent sur les prix à terme et ne couvrent donc pas nécessairement les coûts de production.

Vu d’Afrique, où le coton fait vivre des millions de personnes (contre moins de 9 000 exploitations outre-Atlantique), ce nouvel épisode de la politique agricole américaine pourrait laisser indifférent. Mais le soutien octroyé aux Etats-Unis, premier exportateur mondial de coton, contribue à déprimer les cours de manière non négligeable : environ 7 %, selon une étude récente[3]. Ce sont les producteurs des autres pays, généralement beaucoup plus pauvres que leurs homologues américains, qui en font les frais.

[1] A titre de comparaison, selon l’USDA, le prix payé aux producteurs de coton américains était de 61,3 cents/livre pendant la campagne 2014/15. Il devrait tomber à 58 cents/livre en 2015/16 et est projeté dans une fourchette de 47-67 cents/livre en 2016/17.

[2] La « base coton », calculée par exploitation, était la surface cultivée en coton pendant une période historique de référence. L’aide forfaitaire et le paiement anticyclique étaient versés sur  85 % de la surface de base et ajustés en fonction du rendement historique de l’exploitation.  

[3] Christian Lau, Simon Schropp, and Daniel A. Sumner (2015), The Economic Effects on the World Market for Cotton of US Cotton Subsidies Under the 2014 US Farm Bill, ICTSD.   


 


1 commentaire(s)
Ces actes ne font que réduire les espoirs africains fondés sur le coton qui demeure, quand même, une filière rentière importante du continent. Mais je suis certain d'une chose, une porte se ferme, une autre s'ouvre! Selon moi les africains doivent mettre en place des politique de diversification et de reconversion au plus tôt. Ce n'est pas une fatalité. D'ailleurs il est tant que les africains mettent fin à ce mimétisme économique et politique qui n'a que trop duré.
Ecrit le 15 juin 2016 par : DANSOU David davidurizop@gmail.com 2985

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