Merci Jean-Christophe. Bon exemple de "6 ans après" (Cotton club de mai 2013) et d'index sur un peu de pathologie européenne (débutant parfois sur le Nil).
L'évaluation de l'ICAC[1] des subventions de l'UE au coton ne tient compte que de son aide couplée notifiée en boîte bleue, qui a été de 233,8 millions d'euros (M€) en 2017 selon les dépenses effectives du Budget de l'UE. Mais les deux tiers de l'aide ont été découplés depuis la réforme de 2006 (sur la base de la moyenne des aides couplées de 2000 à 2002) pour 531,6 M€ (dont 389,6 M€ en Grèce et 142 M€ en Andalousie). Il faut ajouter les 2,9 M€ d'aides au coton de Bulgarie et les autres aides au coton d'Andalousie dont 6,1 M€ au titre de l'aide à la restructuration des industries cotonnières, 30,7 M€ au titre du développement rural[2] et 17,1 M€ à l'irrigation[3], soit un total de 822,2 M€, sans calculer les aides au développement rural et à l'irrigation en Grèce. Comme, selon Eurostat, l'UE28 a produit 327 010 tonnes (t) de coton en 2017/18 (moyenne de 2017 et 2018, même si l'année cotonnière va du 1er septembre au 31 août), l'aide a été de 2 514,3 €/t ou 2 840 $/t. Comme l'UE28 a exporté 243 596 t de coton en 2017/18 (moyenne de 2017 et 2018) pour une valeur FAB de 376,4 M€ ou 425,5 M$, soit à un prix FAB de 1 545,4 €/t ou 1746,9 $/t, son taux de dumping a été de 162,7%.
Comme, selon l'ICAC, la subvention des Etats-Unis (EU) au coton a été de 890 M$ en 2017/18 pour une production de 4,557 Mt[4] (13,9 fois supérieure à celle de l'UE) cela représente une subvention de 195,3 $/t et, comme la valeur FAB de cette exportation a été 5,721 M$ en 2017/18 (selon l'USITC), le prix FAB a été de 1 658 $/t et le taux de dumping de 11,8%, 13,8 fois inférieur à celui de l'UE.
Quant à la critique des aides au coton chinois par l'ICAC, elle n'a aucun fondement mais en dit long sur ses méthodes de calcul des subventions. D'abord parce que la Chine n'exporte pratiquement pas de coton (21 780 t en 2017/18 après 13 286 t en 2016/17) alors qu'elle est de loin le premier importateur mondial (1,155 Mt en 2017 après 0,897 Mt en 2016 selon Comtrade et 1,525 Mt attendues en 2018/19[5]). Ensuite parce que calculer l'équivalent subvention de la protection à l'importation est une totale nouveauté pour les économistes conventionnels, même si SOL le préconise et a fait le calcul pour les principaux produits alimentaires exportés par l'UE[6]. Ce faisant l'ICAC confond les concepts de "soutien des prix" agricoles internes par les consommateurs nationaux et conteste ainsi le droit de chaque pays, dont la Chine, à la souveraineté alimentaire (et par extension ici agricole, encore que l'huile de coton et même le tourteau de coton soient classés dans les produits alimentaires par l'OMC) tant qu'il ne fait pas tort au reste du monde par du dumping. Ainsi l'ICAC déclare que "la somme des subventions du gouvernement chinois est estimé à 4,3 milliards de dollars (Md$) en 2017/18", dont 2,4 Md$ d'aides directes, 300 M$ d'aides aux semences et au transport et 1,5 Md$ d'équivalent subvention de la protection à l'importation. Rapportée aux 25 millions de cotonculteurs chinois[7], les 2,8 Md$ d'aides hors les 1,5 Md$ d'équivalent subvention de la protection à l'importation correspond à 112 $ par cotonculteur. A comparer aux 47 849 $ en moyenne pour les 18.600 cotonculteurs des EU, soit 427 fois plus, et aux 10 209 $ en moyenne pour les 90 000 cotonculteurs de l'UE, soit 91 fois plus qu'en Chine.
Si l'ICAC ne fait pas d'évaluation précise des subventions de l'Inde à ses cotonculteurs les EU ont présenté le 9 novembre 2018 une contre-notification au Comité de l'agriculture de l'OMC, alléguant d'une très forte sous-notification de son "soutien des prix du marché" au coton. SOL avait fait une critique serrée de la première contre-notification des EU du 9 mai 2018 sur le "soutien des prix du marché" de l'Inde et de la Chine à leurs productions de blé et de riz, contre-notification défendue par les économistes Lars Brink et David Orden[8]. Les mêmes critiques peuvent être adressées à la contre-notification des EU sur les soutiens de l'Inde au coton. Le Third World Network a réagi immédiatement à cette contre-notification[9].
[1] https://www.eiseverywhere.com/file_uploads/0d29a4b2281774f8113dc8ea4cbd4642_e_cotton-subsidies_2018.pdf
[2] Calculé dans l'article de SOL "La Commission européenne a franchi le rubicon sur les olives de table espagnoles", 19 février 219 : https://www.sol-asso.fr/wp-content/uploads/2019/01/La-Commission-europ%C3%A9enne-a-franchi-le-rubicon-sur-les-olives-de-table-espagnoles.pdf
[3] Sur la base du même article et de la superficie irriguée du coton espagnol.
[4] Selon l'USDA FAS P&D data base : https://apps.fas.usda.gov/psdonline/app/index.html#/app/advQuery
[5]USDA Gain report du 30 août 2018 : https://gain.fas.usda.gov/Recent%20GAIN%20Publications/Cotton%20and%20Products%20Update_Beijing_China%20-%20Peoples%20Republic%20of_8-30-2018.pdf
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[6] https://www.sol-asso.fr/wp-content/uploads/2019/01/From-customs-duties-to-total-agricultural-protection.-April-19-2018.pdf
[7]https://en.wikipedia.org/wiki/China_Cotton_Association
[8] https://www.sol-asso.fr/wp-content/uploads/2017/01/L.-Brink-and-D.-Orden-at-the-rescue-of-the-US-proceeding-against-India-and-China-MPS-on-wheat-and-rice.pdf
[9]http://www.twn.my/title2/wto.info/2018/ti181110.htm
Merci à Berthelot pour la démonstration. Un mythe antique racontait qu'on filait un mauvais coton entre Alexandrie et Athènes.