Le Social business ou comment organiser la porosité entre entreprise et bien commun

30 avril 2018
Eric Campos, délégué général de la Fondation Grameen Crédit Agricole


Les limites de notre planète nous imposent de repenser nos modèles productivistes, de maîtriser leurs conséquences environnementales, de rechercher l’exploitation de ressources renouvelables et, sur le plan humain, nous ne pouvons plus échapper au questionnement des conséquences sociales de nos activités. Nous sommes entrés dans l’ère d’une économie qui tente désormais de concilier la création des valeurs économique, sociale et environnementale. Partout dans le monde, les voix s'élèvent pour demander aux entreprises de s'engager dans le sens du bien commun. Les appels se multiplient, des acteurs précurseurs prennent position. Un mouvement général se profile et laisse espérer une économie plus responsable. L’agriculture, en particulier dans les pays en développement, est au cœur de ces enjeux.  

Aux côtés du Groupe, la Fondation Grameen Crédit Agricole joue son rôle d'éclaireur pour des modèles d'investissement plus responsables, plus solidaires et aux effets positifs sur le plan social. Elle expérimente les nouvelles frontières du partage de la valeur, celles d'une rentabilité financière durable, raisonnée et dont les effets seront plus équitablement répartis entre tous.

Conceptualisé par le Professeur Yunus, Prix Nobel de la paix en 2006 et administrateur de la Fondation Grameen Crédit Agricole, le social business est une activité économique où l’utilité sociale prime sur l’objectif économique. Au-delà d’un modèle de gouvernance démocratique et une ouverture vers la société, le social business prodigue des effets positifs, des changements concrets et durables au service du plus grand nombre.

Social et business : deux mots que, d’apparence, tout oppose. Dans l’ancien paradigme économique où l’individualisme était triomphant et sa conséquence la précarisation, généralisée, ils résonnaient comme une contradiction, un paradoxe. Une lubie d’idéaliste. Et pourtant, leur rencontre, aussi singulière soit-elle, est une voie d’avenir pour repenser et redéfinir un capitalisme plus responsable et une économie volontairement inclusive. Qu’appelle-t-on le « social business » ? Aussi désigné sous le terme d’entrepreneuriat social, il s’agit d’une vision incontestablement renouvelée de l’entreprise. L’expérience nous montre que ce modèle peut être un formidable outil de transformation sociale pour autant qu’on affronte la réalité de sa mise en œuvre. Comme toute entreprise, l’entreprise « social business » est d’abord une structure, un cadre organisationnel qui permet la réalisation d’un projet d’activité. De la même manière, elle cherche à remplir une condition première qui est d’atteindre la profitabilité financière. Enfin, comme n’importe quelle autre entreprise, elle opère un outil de production, intervient sur un marché, achète, transforme et vend, emploie des personnes, se développe.

L’entreprise sociale est donc très classique dans sa recherche de profitabilité. Elle est aussi très différente : car l’utilité sociale est son but primordial. Sa manière de créer durablement de la valeur ne réside pas dans sa capacité à répondre à un besoin du marché, si possible avec un avantage compétitif, mais dans la poursuite de sa mission sociale, le projet d’utilité collective à l’origine de sa création. La notion d’utilité en tant que « service rendu au client » est inhérente à toute entreprise commerciale, c’est d’ailleurs le moteur de la création de richesse. Parfois, l’utilité revêt même un caractère social, par exemple lorsqu’on propose une offre à bas prix pour atteindre un segment de clientèle à faibles revenus. Mais cela reste pour les entreprises une utilité de marché, une stratégie d’efficacité. Et cela n’en fait pas des projets d’entrepreneuriat social. L’entreprise social business n’existe quant à elle que par et pour sa mission sociale. Pour cela, elle inscrit son objectif dans la constitution même de son acte fondateur, c’est-à-dire dans ses statuts. C’est ce premier critère qui commence à faire d’elle une entreprise sociale. Elle doit également s’engager dans la mesure des effets externes qu’elle génère. L’accomplissement de ce second critère est tout aussi fondamental. L’utilité sociale n’est pas qu’un but. C’est aussi un agent de changement. Il pénètre et imprègne l’entreprise au plus profond de son fonctionnement jusqu’à atteindre son patrimoine génétique. Comme un gène supplémentaire, il « augmente » l’entreprise d’une capacité nouvelle : celle d’agir non plus dans son seul intérêt mais dans celui de toute la société. Sa mission sociale devient sa raison d’être. Cela se traduit par une sorte de contrat qu’elle passe ainsi avec son écosystème, point de départ de la construction d’un avenir en commun.

Après huit ans d’investissements en social business, la Fondation a publié en 2017 un Livre blanc intitulé « Social business, vers un entrepreneuriat de l'utilité sociale »[1]. La Fondation y démontre l’impact de ces entreprises à utilité sociale, en mettant également en lumière les défis de ce modèle économique complexe. De l’identification des facteurs de succès à la structuration de la performance sociale des projets, la Fondation dévoile des propositions pour améliorer l’efficacité du social business et promouvoir un capitalisme plus responsable.


 

[1] http://gca-foundation.org/actualites/La-Fondation-Grameen-Credit-Agricole-publie-son-Livre-Blanc-du-Social-Business

1 commentaire(s)
Business c'est une (pré)occupation qui peut être responsable et non coupable.
Si entreprise et (bien) commun font oxymore doit-on seulement espérer une "porosité" ? Ou entreprendre un dépassement, par exemple par un concept général d'"entreprenance" ?
Ecrit le 23 juin 2018 par : j-m bouquery 3589

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