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Conférence "Economies d’eau en systèmes irrigués en Méditerranée"

Dans le cadre du Forum mondial de l’eau d’Istanbul, FARM a co-organisé un side-event sur la gestion de l’eau agricole en Méditerranée, le 19 mars 2009 sur le stand du Partenariat Français pour l’Eau.

COMPTE RENDU DE LA CONFERENCE « ECONOMIES D’EAU EN SYSTEMES IRRIGUES : LES DEFIS DE L’INNOVATION POUR LES AGRICULTURES DE LA MEDITERRANEE »

5ème forum mondial de l’eau d’Istanbul - Espace France, Jeudi 19 mars 2009

ASSURER LA SECURITE ALIMENTAIRE EN ECONOMISANT L’EAU AGRICOLE EN MEDITERRANEE


Organisée par l’Association Française pour l’Eau, l’Irrigation et le Drainage (AFEID), le Cemagref et leurs partenaires (FARM, Agence Française de Développement, CIRAD, Ministère français des affaires étangères, Société du Canal de Provence), cette conférence se propose d’analyser les problématiques de mise en place de systèmes d’irrigation localisée sur deux régions de l’espace méditerranéen : le Maghreb et la Jordanie.

Rémi Lambert, représentant le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes, a ouvert cet évènement dont les 2 projets présentés sont soutenus par le ministère.

Les débats étaient animés par Henri Tardieu, président de l’AFEID, qui a rappelé en introduction que les pays de la Méditerranée sont confrontés au défi d’assurer leur sécurité alimentaire dans un contexte de raréfaction des ressources en eau, problématique rendue très vive par la crise alimentaire de 2008. Cette question a un impact social fort puisque la population rurale dans le Sud de la Méditerranée augmente. Le secteur agricole doit donc innover pour produire plus en consommant moins d’eau et en préservant l’environnement.

1. LES DEFIS DE LA GESTION DE L’EAU AGRICOLE

Henri Luc Thibault, directeur du Plan Bleu, a dressé un état des lieux de l’équilibre ressources/usages de l’eau du bassin de la Méditerranée et dans le secteur agricole en particulier, avant de présenter différentes voies possibles pour mieux gérer cette ressource.

L’eau est inégalement répartie en Méditerranée avec des précipitations variant de 2 000 à 200 mm/an et des disponibilités en eau allant de 25 000 à moins de 50 m3 par habitant et par an. Ainsi les ressources en eau sont limitées : en Méditerranée se concentre 60% de la population mondiale se trouvant en situation de pénurie d’eau (i.e. avec une disponibilité inférieure à 1 000 m3 par habitant et par an).

Cette situation pourrait être encore aggravée par l’évolution du climat. En effet la Méditerranée est considérée comme un « hot spot » du changement climatique. Les prévisions du GIEC indiquent qu’au cours du XXIème siècle, les températures augmenteraient de 2,2 à 5,1 °C et les précipitations diminueraient de 4 à 27%.


Dans cette situation de forte pression sur la ressource, l’agriculture est le secteur qui consomme le plus d’eau, avec 60% de la demande totale. Ce constat est à nuancer selon les régions puisque cette proportion atteint 80 % au sud et à l’est du bassin. L’irrigation est un secteur clé, qui concerne 24 millions d’hectares (soit 20% des terres cultivables) et représente une part importante du PIB agricole.

Or la performance des systèmes irrigués en termes de consommation en eau est plutôt faible. L’efficience à la parcelle est en moyenne de 60% et peut varier de 45 à 90%. Les consommations en eau peuvent aller de 1 500 à 15 000 m3 par hectare et par an.

En termes de prospective, la demande totale en eau va augmenter significativement d’ici 2025, principalement sous l’effet de l’augmentation de la population et du tourisme. Elle pourrait ainsi passer de 280 km3 par an actuellement à 330 km3 par an, soit une progression de 50 km3 dont 30 pour le secteur agricole.

Pour faire face à ce type de situation, des politiques d’augmentation de l’offre ont souvent été privilégiées : transferts depuis les pays excédentaires (ex : Turquie, France), mobilisation de ressources non renouvelables (nappes souterraines dans le Sahara) et « non conventionnelles » (réutilisation des eaux usées, dessalement).

Néanmoins, la gestion de la demande représente un très fort potentiel. Selon un scenario du Plan Bleu, celle-ci permettrait d’économiser 80 km3 d’eau par an en 2025 soit plus que l’augmentation de la demande. Dans l’agriculture il est possible de mettre en œuvre de telles politiques tout en augmentant la production : par exemple en Tunisie, la consommation d’eau en irrigation a été stabilisée depuis 1996 alors que dans le même temps la valeur ajoutée de la production irriguée a continué d’augmenter. Cette gestion de la demande en Tunisie est passée par la sensibilisation des agriculteurs, la gestion des périmètres et la tarification de l’eau. Ainsi, les aspects législatifs et de sensibilisation sont essentiels. Toutefois l’impact économique de la gestion de la demande est encore insuffisamment quantifié et doit faire l’objet de travaux spécifiques.

Enfin, les deux recommandations suivantes ont été formulées :

• les approches en gestion de l’eau ne doivent pas cloisonner les secteurs agricole et de l’énergie,

l’eau virtuelle a une importance forte, notamment dans les échanges commerciaux agricoles, et doit être prise en compte.

2. DE NOUVELLES APPROCHES POUR L’ACCOMPAGNEMENT DES EXPLOITATIONS FAMILIALES AU MAGHREB

Mostafa Errahj, enseignant-chercheur de l’Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès, a ensuite présenté les actions de formations professionnelles réalisées dans le cadre des projets RIM-Réseau des Irrigants Méditerranéens et SIRMA, illustrées par le film « De pairs en experts ».

Au Maghreb, les exploitations petites et moyennes peuvent se développer durablement, comme le montre l’exemple de la coopérative laitière marocaine Copag qui regroupe 14 000 éleveurs. Toutefois le contexte actuel évolue fortement : les marchés sont plus compétitifs et l’accès à l’eau est incertain. Au Maroc, la politique de l’état en faveur de la conversion aux systèmes d’irrigation goutte à goutte peut représenter une opportunité. Cependant les exploitations petites et moyennes sont confrontées à d’importantes difficultés pour réaliser ce type d’investissement et adapter les systèmes de culture.


Dans ce cadre de nouvelles approches d’accompagnement peuvent être proposées, afin de :

• permettre de renforcer la résilience,

• s’adapter aux contextes locaux,

• mobiliser la profession.

C’est dans cette perspective qu’a été lancé le projet de formation professionnelle RIM – Réseau des Irrigants Méditerranéens. Il a été proposé à la demande du réseau « Raccord » rassemblant des responsables professionnels agricoles. Une première phase, basée sur un diagnostic participatif, a permis la réalisation de 4 modules de formation au Maroc en 2008-2009, au bénéfice de 25 à 40 agriculteurs. Cette phase pilote a permis de montrer l’intérêt de :

• construire les formations en répondant à une demande précise des agriculteurs,

• mobiliser des formateurs d’horizons variés : agriculteurs, chercheurs, ONGs, secteur privé,

la responsabilisation des agriculteurs de Raccord, qui progressivement prennent directement en charge l’organisation de la formation.

En termes de perspective, une extension du projet est prévue :

au Maroc, avec la diffusion des formations au niveau régional et la structuration d’un laboratoire des agricultures familiales,

en Algérie, avec le lancement de formations inspirées de la première phase au Maroc.

3. DES METHODES DE RECHERCHE – ACTION POUR AMELIORER LE FONCTIONNEMENT DES PERIMETRES IRRIGUES EN JORDANIE

François Prévost et Céline Papin (Société du Canal de Provence - SCP) ont présenté les acquis de la Mission Régionale Eau et Agriculture - MREA (pdf, 6,92 Mo) développés en Jordanie, à Gaza et au Liban.

La Jordanie est confrontée à un déficit structurel des ressources en eau. Ainsi l’augmentation de la demande en eau, notamment pour les usages urbains (la demande de la ville d’Amman va passer de 100 millions de m3 par an en 2000 à 300 millions de m3 par an en 2025), entraîne une forte pression sur la ressource (diminution du niveau de la Mer Morte de 1 mètre par an). Or l’agriculture représente 2/3 de la demande et 30% du PIB du pays. Il est donc nécessaire d’augmenter la productivité de l’eau en agriculture.


Dans cette perspective la mission MREA, avec le soutien du MAEE et de l’AFD, a développé depuis 1993 des activités de recherche action sur la base de partenariat avec les acteurs nationaux (Jordan Valley Authority) et français (SCP). L’objectif est d’intervenir sur les différentes échelles des systèmes irrigués : parcelle, exploitation, environnement, gestion du réseau.

Le projet IoJov est un exemple des actions menées en partenariat avec la Jordan Valley Authority, entreprise publique gestionnaire du réseau d’irrigation. Il est centré sur l’optimisation de la gestion de l’eau et a concerné 3 zones pilotes de 1 500 hectares entre 2000 et 2006. Sur les périmètres concernés le passage du gravitaire aux systèmes sous pression avait peu fonctionné, du fait du manque de démarche associant les agriculteurs, ayant pour conséquence des stratégies individualistes (non respect du tour d’eau) et aggravant les conditions de distribution.

Trois approches ont ainsi été développées :

l’approche intégrée du réseau de distribution et des exploitations : réhabilitation du réseau, associations d’irrigants, compteurs,

les solutions techniques et organisationnelles,

• les méthodes de recherche-action pour les innovations et l’appropriation par les bénéficiaires : outils de vulgarisation.

Ainsi par plusieurs étapes successives de recherche et de mise en pratique, un soutien a été apporté à la JVA et aux agriculteurs qui a permis de sortir de ce cercle vicieux.

Ce projet a permis de formuler les recommandations suivantes :

aborder simultanément les problèmes du service de l’eau et des pratiques agricoles, avec une approche concertée entre gestionnaires du réseau et usagers,

• traiter conjointement les enjeux techniques et organisationnels,

• assurer l’appropriation des innovations par les acteurs locaux.

4. CONCLUSION : IMPORTANCE DES FILIERES ET ROLE DE LA RECHERCHE – ACTION

Les échanges avec le public ont ensuite mis en lumière :


• les enjeux des économies d’eau dans les secteurs non-agricoles : l’agriculture est un secteur clé pour les économies d’eau car, étant le plus gros consommateur, il représente les économies potentielles les plus importantes. Toutefois il est rappelé que les autres secteurs ont également des objectifs d’économie en Méditerranée, en particulier l’usage domestique pour réduire les pertes et augmenter l’efficience.

• la possibilité d’échanges entre les différents projets présentés : les recommandations de l’évaluation du projet en Jordanie, réalisée par l’IPTRID, ont noté l’intérêt potentiel d’échanges d’expérience avec d’autres initiatives. Pour le projet au Maghreb, le déploiement régional du projet est en cours après une première phase au Maroc. Des échanges avec d’autres terrains sont donc envisageables. Il existe ainsi un enjeu de création de réseau à l’échelle des pays riverains de la Méditerranée suite à ces premiers efforts réalisés à l’échelle sub-régionale. Pour le Plan Bleu, il y a une place pour ce type de coopération en Méditerranée, en lien avec la stratégie méditerranéenne pour le développement durable. D’autre part, le Centre International des Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes (CIHEAM) soutient des échanges d’expérience, qui concernent principalement les étudiants. Il est noté que des financements spécifiques doivent être trouvés pour ce type d’échanges.

Jean-Yves Grosclaude, directeur du département technique opérationnel de l’AFD, a conclu la conférence en rappelant le rôle clé des filières agricoles dans la gestion de l’eau, car les agriculteurs n’orientent leurs pratiques que vers les filières qui leur rapportent. Dans cette perspective, plusieurs pays se sont engagés dans une réflexion poussée sur les politiques publiques pour pouvoir répondre aux besoins alimentaires, impliquant la structuration des filières et la part des importations (Maroc, Tunisie, Egypte).


Le rôle de la recherche est alors de proposer de nouvelles approches sociales, environnementales, sur l’aménagement du territoire et les filières. L’aide au développement peut être mobilisée en faveur des structures de recherche du Sud, à condition que les états bénéficiaires l’inscrivent comme une priorité.

Dans cette perspective il est noté que le CIHEAM est impliqué dans un projet européen ERANET visant à faire un état des lieux des actions de recherche agronomique en Méditerranée. Mais l’application d’une stratégie de long terme dans ce domaine nécessite l’implication des pays et de la coopération internationale, notamment pour assurer les financements nécessaires.

Publié le : 29 décembre 2010

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