Le 15 juin dernier s’est tenu à Bamako, au Mali, l’atelier de restitution de l’étude sur le financement de l’agriculture et du monde rural au Mali que la FAO, le Crédit Agricole SA et FARM ont financée. L’étude s’est concentrée sur l’analyse de cinq filières stratégiques au Mali (les filières coton, riz, pomme de terre, mangue et
échalote). Elle a été réalisée par des experts maliens désignés par la FAO, par un expert international proposé par le Crédit Agricole et FARM et par une fonctionnaire de la FAO, lors d’une mission en novembre 2009. La version intégrale de l’étude ainsi que le compte-rendu des débats qui ont eu lieu à l’atelier sont maintenant disponibles en ligne.
La FAO (Food and Agriculture Organization), la Fondation FARM et le Crédit Agricole SA ont engagé un partenariat en 2007 pour le renforcement de l’accès au financement de l’agriculture pour les producteurs et les entreprises agricoles. La première étape a été la réalisation d’une étude sur le financement de l’agriculture et du monde rural au Mali. L’étude a été menée par des experts maliens désignés par la FAO, par un expert international proposé par le Crédit Agricole et FARM et par une fonctionnaire de la FAO, lors d’une mission en novembre 2009. L’étude s’est concentrée sur l’analyse de cinq filières stratégiques au Mali (les filières coton, riz, pomme de terre, mangue et échalote).
Les résultats de l’étude ont été restitués lors d’un atelier qui s’est tenu le 15 juin à Bamako. Cet atelier réuni 40 participants, représentant le Ministère de l’Agriculture, le Ministère des Finances, la Cellule de la Supervision et de la Statistique des Services Financiers Décentraliés, les banques et les institutions de micro-finance, des bailleurs de fonds, comme l’AFD, la Banque Mondiale et l’ACDI, les organisations de producteurs, les représentants des Chambres d’Agriculture du Mali ainsi que des instituts de recherche.
L’atelier sur le financement de l’agriculture s’inscrit également dans le cadre de travaux en cours, effectués par le Gouvernement du Mali qui œuvre à l’élaboration d’une Politique de Développement Agricole (PDA) et d’un Programme National d’Investissement du Secteur Agricole (PNISA).
Si quelques divergences vivement discutées ont permis au débat d’aborder les enjeux centraux concernant le développement de l’agriculture au Mali, des consensus ainsi que des suggestions ont permis à l’atelier d’atteindre et de dépasser tous ses objectifs. De par la diversité des intervenants et leur volonté profonde de faire profiter le débat de leurs expertises, nous pouvons nous féliciter d’une telle rencontre.
Fort d’un potentiel agricole qui devrait lui permettre d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et même d’exporter dans les pays de la sous-région, le Mali développe des stratégies ambitieuses pour accompagner la professionnalisation des filières agricoles. Or, les financements qui devraient accompagner ce développement manquent et ne sont accessibles qu’à une minorité. En effet, le taux de bancarisation du monde rural est extrêmement faible (2%) et les financements alloués au développement des filières sont insuffisants. L’atelier était le lieu d’échanger sur les raisons de cette situation et les moyens d’accompagner le développement d’une nouvelle agriculture plus entrepreneuriale.
L’étude a permis de discuter de la rentabilité interne des exploitations familiales et l’impossibilité pour les producteurs de faire face aux taux d’intérêts actuellement pratiqués par les institutions financières.
Les crédits à la commercialisation sont presque inaccessibles aux organisations de producteurs et les coûts d’intérêts ajoutés aux coûts de stockage et de fonctionnement handicapent les organisations dans un contexte de volatilité des prix déjà défavorable.
Les crédits pour l’achat des équipements agricoles sont insuffisants et très difficiles d’accès pour les producteurs. Selon les représentants des organisations paysannes, 70% des producteurs n’ont pas accès à un équipement adaptés.
L’accumulation historique d’impayés décourage les institutions financières à développer des produits spécifiques à l’agriculture. Le recours systématique à la caution solidaire isole les producteurs en règle avec leurs engagements auprès des institutions financières.
Certains projets internationaux et certaines politiques ne s’inscrivent pas dans un financement dans la durée de l’agriculture. Les appuis financiers ne sont pas assez concertés et pas assez soutenus.
Les représentants du secteur de la recherche soulignent que les financements de la recherche manquent. Ils s’inquiètent également que la formation des techniciens et des universitaires qui doivent accompagner le développement de l’agriculture ne soit pas suffisant inscrite dans les stratégies du financement de l’agriculture.
Les risques climatiques inhérents à l’activité agricole au Mali ne font pas l’objet d’une attention suffisante.
La réforme de la législation foncière tarde à voir le jour, ce qui ne permet pas aux producteurs d’obtenir des surfaces d’une taille suffisante et les rends très dépendants des propriétaires des terres qu’ils exploitent actuellement.
Selon certains participants, l’origine des coopératives expliquent de nombreux échecs. La conversion des organisations villageoises en coopératives semble parfois artificielle et ne résulte pas d’une volonté effective de se regrouper dans un projet commun.
Certains ont tenté de remettre en question l’approche par filière et proposent une analyse intégrée des exploitations familiales qui exploitent à la fois plusieurs spéculations mais aussi génèrent des revenus d’activités non-agricoles.
Alors que pour certains la structuration des coopératives agricoles est le moyen de professionnaliser l’agriculture au Mali, d’autres proposent de soutenir des producteurs individuels performants et dénoncent le réflexe systématique de regroupement.
Finalement le débat ne s’est pas satisfait d’évidences et certains participants se sont demandés si les organisations actuellement développées au Mali pour structurer le secteur agricole étaient adaptées aux réalités culturelles et historiques du pays.
Toutes et tous ont souligné la nécessité d’accompagner l’agriculture malienne dans la transformation des exploitations agricoles actuelles en entreprises agricoles. Ils souhaitent qu’au niveau juridique, l’activité d’agriculteur soit considérée comme une activité professionnelle. Les représentants des organisations de producteurs ont appuyé l’idée d’une modernisation nécessaire de l’agriculture et d’une reconnaissance accrue du métier d’agriculteur. Un processus d’immatriculation des exploitations agricoles est déjà en cours. Selon les participants, le développement agricole doit s’effectuer en intégrant de plus en plus une vision économique. L’augmentation de la production doit permettre l’accumulation de fonds propres nécessaires à une relation rapprochée avec les institutions de financement. C’est sur la base d’une telle dynamique que des investissements à moyen et à long termes permettront la mécanisation des entreprises agricoles et l’augmentation de la production. Pour cela, les administrateurs et les responsables des organisations de producteurs doivent acquérir une maitrise de la gestion financière et comptable de leurs organisations. C’est en maîtrisant leurs recettes d’exploitation que les organisations agricoles augmenteront leur crédibilité au niveau des institutions financières.
Enfin, les organisations de producteurs et les entreprises agricoles veulent mieux planifier la commercialisation de leurs produits et développer des stratégies pro-actives de valorisation de ceux-ci.
Les représentants des institutions bancaires ont reconnu que leur évaluation du risque de l’agriculture au Mali était défavorable pour qu’ils la financent massivement. C’est d’ailleurs en prenant une certaine distance par rapport à ce secteur d’activité qu’ils ont pu assurer la pérennité de leurs institutions. Par contre, ils s’accordent à identifier le secteur agricole comme le grand vecteur de développement économique du Mali et appellent les différents acteurs à les appuyer pour mieux financer l’agriculture. Le président directeur général de la BNDA réclame, entre autre, une défiscalisation de son institution avançant que celle-ci a une mission de service public. Il réclame également que les organisations internationales ayant des capitaux devant servir au développement de l’agriculture au Mali les domicilient dans son institution au cours de leur utilisation. Il souligne également le niveau élevé du coût des ressources accessibles aux institutions maliennes qui désirent financer l’agriculture et appelle les grandes banques internationales spécialisées en agriculture à les appuyer.
L’amélioration du financement de l’agriculture passera également par une restructuration du secteur des institutions de micro-finance. Certaines d’entre-elles rencontrent actuellement de graves difficultés financières et répercutent leurs forts coûts de fonctionnement sur les taux d’intérêts proposés aux producteurs. La nouvelle législation coordonnée par la BCEAO devrait faciliter cette restructuration mais des progrès considérables sont encore nécessaires notamment dans la mise en œuvre d’une centrale de risque qui permettra une meilleure coordination entres les institutions de financement et de prévenir le sur endettement des producteurs.
Finalement, les institutions financières doivent mettre en place des programmes de formation spécifiquement orientés vers l’agriculture pour accompagner leurs agents qui ont parfois une maitrise insuffisante des réalités entourant les entreprises agricoles.
L’atelier a donc permis l’expression de suggestions pour lever des contraintes institutionnelles et macroéconomiques pour l’amélioration de la solvabilité des opérateurs des filières et l’élaboration d’une offre de crédits et de services financiers plus adaptés. Chaque acteur doit travailler à restaurer un climat de confiance qui fait encore défaut et qui est pourtant indispensable pour le développement des affaires. Il ressort également la nécessité d’une meilleure coordination des acteurs et une politique publique forte et structurante. Le développement de meilleurs partenariats avec le secteur privé doit également faire partie de la stratégie de modernisation du secteur agricole au Mali.
Un rapport principal et trois rapports complémentaires composent cette étude :
Rapport principal (pdf, 2400 ko)
Analyse de l’offre et de la demande en financement agricole (pdf, 400 ko)
Analyse des filières agricoles : coton, riz, mangue, pomme de terre, échalote (pdf, 455 ko)
Analyse des institutions de microfinance et des autres institutions financières qui pratiquent le warrantage au Mali (pdf, 1400 ko)
Pour toute précision ou commentaire, vous pouvez écrire à Fabrice Larue