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Face à la crise, le Fonds monétaire international (FMI) change son approche

Le 29 juillet dernier, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international, détaille les actions que mènera son institution en faveur des pays à faible revenu. Quel est le détail de l’appui du FMI ? Quels sont les pays visés ? Quels bénéfices pour l’agriculture ?

1. La crise est à l’origine de besoins en financement accrus

La crise financière internationale est née dans les pays développés mais elle touche depuis plusieurs mois les pays en développement (PED). Ces derniers sont affectés par une réduction des exportations due à une baisse de la demande (-5% à -9% des volumes des échanges prévu en 2009), par une diminution importante des fonds envoyés par les émigrés (-5% à -8% prévu en 2009) ainsi que par une chute de l’investissement direct étranger (baisse attendue de 32% au cours de 2009). Sans oublier que les effets négatifs du ralentissement de l’économie mondiale s’ajoutent à ceux de la hausse des prix des produits de base et de la crise alimentaire.

Le Fonds monétaire international (FMI) estime que les impacts de la crise vont causer une hausse importante des besoins en financement des PED, à laquelle la communauté internationale devra répondre, dans la mesure où la crise n’est pas « imputable » aux pays les plus pauvres, selon M. Strauss-Kahn.

Cette hausse des besoins est déjà visible : entre janvier et juillet 2009, le FMI a accordé de nouveaux prêts concessionnels à hauteur de 2,9 milliards de dollars américains (USD) – dont 2,8 pour l’Afrique subsaharienne – alors que le montant global accordé en 2008 est de 1,2 milliards de dollars – dont 1,1 pour l’Afrique subsaharienne.

2. Le FMI modifie ses mécanismes de soutien aux pays à faible revenu

Le 29 juillet 2009, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, annonçait que son institution venait d’engager des réformes importantes afin de soutenir les pays à faible revenu. Par « pays à faible revenu » on entend les pays éligibles aux prêts concessionnels [1] du FMI, c’est à dire 79 pays dont le revenu national brut par habitant est inférieur à 1 135 USD (source FMI et Banque mondiale). Parmi ces 79 pays, 37 sont en Afrique subsaharienne. Les réformes, validées par le conseil d’administration du Fonds, concernent les montants des prêts et de leurs intérêts, les instruments de prêt, leur conditionnalité et les quote-parts des États membres du FMI.

2.1. Des prêts concessionnels plus importants, à taux zéro jusqu’en 2011

Le FMI estime, dans ses dernières prévisions, à 8 milliards de USD les besoins en prêts concessionnels sur la période 2009-2010. Ainsi, le montant des prêts pouvant être accordés a été amené à 17 milliards de USD pour la période 2009-2014, dont 8 milliards sur les deux premières années. Cette augmentation répond également à la demande formulée en avril 2009, lors du sommet de Londres, par les chefs d’État du G20 au FMI d’accorder 6 milliards de dollars de prêts concessionnels supplémentaires. Elle est en outre complétée par une suspension du paiement des intérêts des prêts concessionnels jusqu’en 2011. Les paiement seront ré-échelonnés sur la période suivante. Ainsi, le FMI s’engage à prêter à taux zéro sur une période de deux ans et demi à des pays parmi les plus pauvres du monde pour la première fois de son histoire.

2.2. La conditionnalité des prêts concessionnels est assouplie, les réformes structurelles ne sont plus contraignantes

Pour avoir accès aux prêts concessionnels, les pays doivent respecter certaines conditions fixées par le FMI. Globalement, cette conditionnalité vise l’amélioration de la balance des paiements [2] du pays emprunteur, tout en assurant des sauvegardes concernant l’utilisation des fonds du FMI. Elle a trait à l’adoption de mesures de politique macro-économique.

Pour répondre à la crise, le FMI a assoupli les critère de conditionnalité appliqués aux pays à faible revenu. Il autorise désormais des objectifs moins strictes pour les politiques monétaires et l’inflation, des déficits budgétaires plus importants, un accroissement des dépenses publiques, en particulier des dépenses sociales, afin de « [poser] les jalons des progrès de la lutte contre la pauvreté ». En outre, les réformes structurelles engagées par les pays emprunteurs continueront a faire l’objet d’un suivi mais elles ne constitueront plus un élément de conditionnalité. Cette dernière mesure est le résultat d’un processus commencé en 2000 de révision de la conditionnalité des prêts du FMI, elle a été décidée en mars 2009.

2.3. Les instruments de prêt concessionnel sont réformés pour s’adapter à la diversité des besoins des pays à faible revenu

Un nouveau Fonds de fiducie pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance regroupe trois facilités, dont certaines pré-existantes, afin de fournir des instruments à la fois dans le moyen et le court terme ainsi que dans l’urgence, en fonction de la gravité des déséquilibres de la balance des paiements (pour plus de détails, http://www.imf.org/external/np/exr/...).

2.4. Appui à la stabilité de l’économie internationale par l’allocation de 250 milliards de dollars

Le 28 août 2009, le FMI va allouer 250 milliards de dollars à ses États membres sous forme de réserves de change, dont 18 milliards seront destinés aux pays à faible revenu. L’allocation se fait proportionnellement aux quote-parts des États membres, c’est-à-dire en fonction de la taille de leur économie. Les réserves ainsi constituées permettront aux pays d’opérer avec une plus grande marge de manœuvre sur les marchés des changes internationaux, par l’utilisation de droits de tirage spéciaux [3].

2.5. Des mesures financées par des emprunts et la vente d’une partie des réserves aurifères du FMI

L’ensemble des mesures prévues a un coût estimé à 13,5 milliards de dollars en ressources supplémentaires pour répondre aux demandes de prêts et à 3,75 milliards de dollars pour financer la bonification des taux, dont 1,75 sont aujourd’hui disponibles. Une nouvelle campagne de collecte de fonds auprès des prêteurs actuels et potentiels parmi les États membres du FMI va être lancée. En outre, 400 tonnes d’or des réserves du Fonds vont être vendues. Le produit de la vente financera l’allocation des nouvelles réserves de change et une partie de la bonification des taux de prêts concessionnels.

3. Conclusion : la mobilisation du FMI en faveur des pays pauvres semble s’inscrire dans un repositionnement durable qui pourrait être plus favorable au soutien à l’agriculture

Les réformes engagées par le FMI sont significatives, à la fois par les montants engagés et par les mesures prises. Les moyens financiers mobilisés sont considérables, ils représentent plusieurs dizaines de milliards de dollars pour les pays pauvres (il s’agit de prêts et pas de subventions), tout en sachant qu’ils ne sont pas les seuls concernés. Le FMI se positionne clairement comme un des acteurs majeurs de l’effort international de relance de l’économie et de l’appui aux pays pauvres, et il s’en donne les moyens.

Des inflexions majeures ont été décidées, en particulier en ce qui concerne la conditionnalité des prêts. Une partie de ces modifications est le résultat de processus démarrés avant la crise, ce qui laisse penser que les décisions annoncées le 29 juillet sont certes des réponses conjoncturelles à la crise mais qu’elles s’inscrivent dans un positionnement du FMI plus durable, que la crise a peut-être accéléré.

Néanmoins, il faut rappeler que la répartition des taches au sein des institutions de Bretton Woods prévoit que l’appui au développement économique et à la lutte contre la pauvreté sur le long terme soient financés par la Banque mondiale. C’est donc plutôt de cette dernière institution que devront venir les soutiens à l’agriculture. La compatibilité des prêts concessionnels du FMI avec un accroissement des dépenses publiques et des objectifs de lutte contre la pauvreté laisse espérer que le contexte redeviendra plus favorable à des investissements dans le secteur agricole, beaucoup pénalisé par l’ajustement structurel.

- Pour plus de précisions, contactez Cecilia Bellora

Sources :
- Le soutien du FMI aux pays à faible revenu
- Le FMI annonce un accroissement sans précédent du soutien financier aux pays les plus pauvres
- Le FMI et les pays à faible revenu face à la crise mondiale
- La réaction du FMI à la crise mondiale : répondre aux besoins des pays à faible revenu
- Interview de Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI
- Les gouverneurs du FMI approuvent officiellement une allocation générale de DTS à hauteur de 250 milliards de dollars EU

[1Un prêt concessionnel est un prêt qui comporte un élément de don par rapport à un prêt contracté aux conditions du marché (taux d’intérêt, délai de paiement de la première échéance et durée du remboursement). Le FMI considère un prêt comme concessionnel lorsque la valeur de l’élément don est supérieure ou égale à 0,35. Pour plus de détails sur le calcul de l’élément don, voir http://www.imf.org/external/french/...

[2La balance des paiements représente l’ensemble des flux d’actifs (réels, financiers et monétaires) entre les acteurs économiques d’un pays (particuliers, entreprise, État) et le reste du monde.

[3Pour la définition et plus d’informations sur les droits de tirage spéciaux, voir http://www.imf.org/external/np/exr/...

Publié le : 7 avril 2010

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