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Note de lecture : Force et faiblesses des politiques agricoles

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Note de lecture dossier IFRI (pdf, 62Ko)

La revue Politique étrangère de l’Institut français des relations internationales (Ifri), dirigée par Thierry de Montbrial, consacre l’un des deux dossiers de son numéro de juin 2009 à la question agricole, sous le titre Forces et faiblesses des politiques agricoles. FARM a préparé une note de lecture de ce dossier intéressant.

Le dossier de la revue Politique étrangère



Politique étrangère est une revue de débats et d’analyses sur les grandes questions internationales, éditée par l’Institut des relations internationales (IFRI). Dans son numéro paru pendant l’été 2009, elle consacre l’un de ses deux dossiers à la question agricole et alimentaire. Cette question est analysée en tant que futur enjeu majeur du débat international, qui va concerner les politiques étrangères de la France.


L’ambition du dossier est d’aller au-delà de l’analyse événementielle des « émeutes de la faim » et de montrer en quoi la question agricole sera un enjeu majeur du débat international dans les mois et années à venir, qui pourra avoir des impacts importants sur les politiques étrangères françaises et européennes. Au travers de 4 articles, le dossier aborde les grandes problématiques de l’avenir de l’agriculture et de la sécurité alimentaire dans le monde, n’hésitant pas à aller à l’encontre d’un certain nombre d’idées reçues sur l’origine de la crise alimentaire, du pic des prix ou de l’échec des négociations à l’OMC. Différents regards sont choisis, ce qui constitue une partie de l’intérêt du dossier : aux points de vue économiques, s’ajoutent des visions socio-politique et politique, ce qui permet d’avoir une vision complexe des enjeux.

La question agricole : un enjeu international

Les émeutes de la faim, produit de tensions sociales


Jean Pierre Janin, géographe à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), réalise une analyse sociopolitique des « émeutes de la faim » par laquelle il aborde la question plus générale de l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne. Il expose de manière claire en quoi le pic des prix n’a pas été seul à l’origine des émeutes Celles-ci résulteraient plutôt d’une perte brutale du pouvoir d’achat des urbains dans un contexte de mécontentement politique et social complexe. Ce contexte est le produit de ce que J.P. Janin appelle les procédures de « mise sous tension » et de politisation de la faim, de nature essentiellement sociale et politique. En résumant, la crise alimentaire est présentée comme la résultante de trois formes d’insécurité alimentaire : un manque de disponibilité des produits sur les marchés, une difficulté d’accès monétaire à ces produits et un décalage entre les besoins des populations et leurs droits, dû à un affaiblissement des filets de sécurité. L’auteur voit dans cette crise une crise des instances publiques qui doit selon lui être analysée afin de pouvoir y apporter des réponses.

Des politiques publiques volontaristes sont nécessaires en Afrique


Hervé Gaymard, député français, apporte un point de vue plus politique dans la mesure où il formule des propositions que la France pourrait promouvoir au niveau des instances internationales. Il réfute les idées reçues à la base de « l’approche idéologique du libre échange », tels que « l’évolutionnisme économique » selon lequel la croissance économique dépendrait du remplacement du secteur agricole par l’industrie, lui même remplacé par les services ; le « malthusianisme économique » qui prône la restriction de la production ; les attaques contre la PAC et ses effets négatifs sur les agricultures du sud ; et le rôle que l’OMC pourrait jouer pour la sécurité alimentaire des pays africains. Il démontre que la théorie libérale, qui a permis le décollage de l’économie occidentale à un moment donné de son histoire, ne peut pas s’appliquer aujourd’hui à l’Afrique. Hervé Gaymard propose de développer l’agriculture vivrière à la fois pour l’autoconsommation et le commerce local et régional, avec une intégration régionale permettant la mise en place des politiques agricoles et commerciale luttant entre autres contre les effets néfastes de la volatilité des prix agricoles. Il faut pour cela adapter les règles de l’OMC, par exemple, en lui imposant un cadre fixé par un Conseil de sécurité alimentaire mondial. L’auteur rappelle la nécessité d’apporter un soutien financier public important pour appuyer le développement de l’Afrique. Cet article résume des positions largement partagées par le monde rançais du développement. L’auteur considère que la crise alimentaire, en modifiant le contexte, rend ces positions plus faciles à partager au sein des institutions internationales. Il fait également l’hypothèse que ce contexte permettra d’appuyer les discours par des soutiens financiers qui ont fait défaut jusqu’à présent. Adossé à l’article, un encadré fait précisément le point sur l’état de la question cotonnière dans les négociations à l’OMC.

La question du développement est la vraie raison du blocage de l’OMC et se manifeste dans les négociations agricoles


Tancrède Voituriez, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), montre que l’échec du cycle de négociations de Doha à l’Organisation mondiale du commerce s’explique par des contradictions internes aux négociations et à leur objet, bien plus que par un blocage au sujet des subventions et le protectionnisme en agriculture. Il détaille dans un premier temps la raison d’être historique du GATT et ensuite de l’OMC : entre grands pays (c’est-à-dire pouvant influencer le marché), la politique qui permet les plus grands gains de bien-être est celle de la libéralisation. Mais chaque grand pays misant sur l’absence de coopération des autres grands pays, une tierce partie, l’OMC, est nécessaire pour que la libéralisation ait lieu. Par contre, rien ne prouve que ces négociations commerciales bénéficient aux « petits pays », parmi lesquels figurent les pays en développement (PED). Ainsi, définir le cycle de Doha comme le « cycle du développement » a introduit un lien entre libéralisation et développement qui ne peut être prouvé ni théoriquement ni pragmatiquement. De plus, l’absence de consensus sur une définition du développement amène à des blocages des négociations, telle que celle de juillet 2008, la dernière en date. D’après T. Voituriez, ce n’est donc pas l’agriculture qui bloque les négociations mais plutôt leur « nouvelle rationalité » liée au développement. La grande qualité pédagogique et la vision moins simpliste et commune que celle généralement observée de cet article sont très intéressantes et en font une base de réflexion utile concernant les négociations internationales.

Les conditions pour relever le défi agricole et alimentaires dans les années à venir


Hervé Guyomard, directeur scientifique à l’INRA (Institut national la recherche agronomique), repart des fondamentaux de l’évolution de l’offre et la demande sur les marchés agricoles mondiaux pour dresser la liste des défis à relever pour assurer la sécurité alimentaire mondiale. A partir des résultats de plusieurs exercices de prospective, et en particulier d’Agrimonde, il démontre en quoi le « défi alimentaire » est de taille : si l’on considère l’évolution de la demande liée à la fois à la croissance de la population et aux autres utilisations des produits agricoles comme les biocarburants, il faudra doubler la production agricole à l’horizon 2050. Avec un parti pris assurément positif, son message ne laisse pas de place aux visions malthusiennes : on peut nourrir le monde, mais à certaines conditions. Il s’agit de produire plus et mieux
- en gérant la volatilité des cours par des dispositifs publics et privés afin de sécuriser les investissements agricoles,
- en assurant le bon fonctionnement des échanges agricoles qui seront indispensables aux équilibres alimentaires,
- en gérant les impacts environnementaux des pratiques agricoles, entre autre grâce à un effort de recherche accru,
- en réduisant les pertes et gaspillages tout au long des filières de production agricole.


La conclusion de l’article reste confiante mais rappelle que le facteur qui est vraisemblablement le plus rare à l’heure actuelle est le temps : les mesures à prendre pour exprimer au mieux le potentiel agricole de la planète et nourrir 9 milliards d’Hommes sont à prendre rapidement si on veut répondre au défi alimentaire.


Contact : Mathilde Douillet, Cecilia Bellora

Publié le : 7 avril 2010

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