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Compte-rendu de ICTD 2009

La troisième Conférence Internationale sur les Technologies de l’Information et de la Communication pour le Développement (ICTD 2009) s’est tenue à Doha, Qatar, du 17 au 19 avril 2009. Eric Pasquati, chef de projet TIC à FARM, y a participé et présente un compte-rendu.

Organisée par Carnegie Mellon Qatar et TechBridgeWorld, en partenariat avec un ensemble d’institutions parmi lesquelles le Qatar National Research Fund, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), Microsoft, IBM et l’Institut des Ingénieurs Electriques et Electroniques (IEEE), la troisième Conférence Internationale sur les Technologies de l’Information et de la Communication pour le Développement (ICTD 2009) s’est tenue à Doha, Qatar, du 17 au 19 avril 2009. Il s’agit de la principale conférence académique du domaine des TIC pour le développement, et elle a été divisée en des panels et des ateliers de discussion, des présentations d’articles et de posters, et a compté également avec deux présentations principales : la première de Bill Gates, président de Microsoft et co-président de la fondation Bill et Melinda Gates, et la deuxième de Carlos Primo Braga, directeur du département de la politique économique et de la dette de la Banque Mondiale.

Sans avoir la prétention de présenter de façon exhaustive les échanges des trois journées de conférence, l’objectif de ce compte-rendu est d’attirer l’attention à quelques points des discussions et des travaux présentés à ICTD 2009. Considérez-le comme un survol de questions chères à la communauté académique et de praticiens du domaine des TIC pour le développement.

TIC pour le développement : un domaine multidisciplinaire et sans frontières précises

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Un des panels de la conférence ICTD 2009

Le domaine des TIC pour le développement regroupe des acteurs d’origines très différentes. Il est naturellement multidisciplinaire, intéressant des économistes, des sociologues, des anthropologues, mais aussi des ingénieurs et des informaticiens, en plus des spécialistes de domaines d’application des TIC pour le développement, comme la santé, l’éducation, l’agriculture, entre autres. En plus, dans ce domaine, le monde académique côtoie le monde des praticiens. Dans un contexte si hétérogène, on comprend facilement la difficulté de définition précise du terme TIC pour le développement (en anglais ICTD, ou parfois ICT4D). S’il est clair que la portée du domaine n’est pas une question consensuelle, Mike Powell, directeur du programme IKM Emergent, a pris le soin de souligner dans un des panels de la conférence l’importance de différencier les applications des TIC dans les pays en développement des applications de ces technologies pour le développement. Les applications propres au domaine des TIC pour le développement seraient celles qui engendrent des changements transformateurs des réalités locales vers des plus grands niveaux d’équité et de bien être.

Des points de consensus : les technologies comme des outils, et l’importance de l’adaptation aux contextes locaux

Tout en gardant des approches différentes, les divers acteurs impliqués dans le domaine des TIC pour le développement semblent être d’accord à propos de la nature utilitaire des technologies dans le processus de développement, ne les considérant pas comme une fin en soi. En plus, on commence à valoriser dans ce domaine des projets où les TIC restent en second plan, et où les usagers finaux ou les bénéficiaires ont un contact direct très réduit avec les technologies. C’est le cas du projet Digital Green, développé par Microsoft Research India et par la Fondation Green en Inde, qui promeut le tournage et le visionnage de vidéos participatives comme moyen d’échange de bonnes pratiques agricoles entre des agriculteurs. Digital Green a été cité par Bill Gates dans sa présentation comme un exemple de succès où les TIC joue un rôle important certes, mais ne sont pas en premier plan.

Il y a aussi actuellement consensus à propos de l’importance d’adaptation des modèles et des technologies aux contextes locaux. Les TIC pour le développement ne s’agissent plus d’un transfert rigide de technologies d’un endroit à l’autre, mais plutôt d’une série d’adaptations à chaque occasion spécifique. Quelques acteurs soulignent néanmoins que dans ce processus d’adaptation – et forcement d’innovation dans la construction des usages effectifs des TIC – il faut s’attendre à des développements inattendus. D’un côté ces personnes attirent l’attention à ne pas avoir une vision naïve de l’utilisation des TIC mais, au contraire, à être vigilant aux conséquences potentiellement indésirables de leur application. De l’autre côté, elles reconnaissent l’inévitabilité de quelques résultats négatifs dans les processus de développement basés sur des innovations technologiques, ce que les amène à accepter comme naturelle et salutaire la dynamique de tâtonnement expérimental qui caractérise ces processus.

Des TIC pour quel développement ?

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Björn Gigler lors d’une session de questions réponses

Si la majorité des acteurs de développement sont d’accord à propos de la nature utilitaire des TIC, quelques chercheurs et praticiens attirent l’attention au manque de soin dans la formulation des objectifs de développement dans une bonne partie des projets. Ils soulignent la nécessité de rendre explicite le cadre théorique de référence – clarifier ce que l’on veut dire avec le terme développement – de façon à donner une orientation plus objective au projet et à éviter des dérives, comme par exemple vers la surévaluation des technologies.

Dorothea Kleine, chercheur à Royal Holloway, Université de Londres, et membre de la Chaire TIC pour le développement de l’UNESCO, a présenté un article sur l’importance de la définition du cadre théorique de développement. Elle suggère dans son article une grille d’analyse inspirée de l’approche des capacités d’Amartya Sen. Pour monsieur Sen, le développement peut être définit comme "un processus d’expansion des libertés réelles éprouvées par les personnes dans leur quête de mener une vie qu’elles sont capables de valoriser" (A. Sen, 1999, Development as Freedom, Oxford, Oxford University Press). Cette définition associe le développement à l’augmentation de la liberté de choix des individus. Kleine a montré dans sa présentation que les conséquences de ce cadre de référence aussi bien pour la recherche que pour la pratique dans le domaine des TIC pour le développement sont principalement : l’intérêt d’adopter une approche systémique et holistique, et l’importance de mettre en œuvre des mécanismes permettant aux personnes d’exprimer leurs choix. Ce dernier point justifierait la préférence par des méthodes participatives de recherche et de mise en œuvre des projets de développement faisant ou pas usage des TIC.

Dans sa présentation au panel "Généalogie de la recherche en TIC pour le développement : prémisses, prédispositions et paradoxes", Mike Powell a exploré principalement la relation entre les TIC et la notion de développement. Sont principal point de réflexion a été l’écart entre, d’un côté la façon de raisonner très répandue dans le domaine des TIC consistant à rechercher des solutions objectives pour des problèmes et, de l’autre côté une notion de développement basée sur la capacité des acteurs sociaux à faire des choix, notion inspirée encore une fois de la pensée d’Amartya Sen. Il existerait un déséquilibre entre la façon de faire et de raisonner des ingénieurs – normalement à la recherche de solutions – et cet objectif de rendre possibles des choix. Powell prône le passage de la logique de fournir des solutions à celle de travailler en partenariat avec les acteurs du terrain ; une approche selon lui beaucoup plus constructive, d’apprentissage mutuel. Powell a souligné également des questions de rapport de pouvoir dans les projets de développement, et le soin nécessaire pour s’assurer que ces projets ne soient pas en train de concentrer des bénéfices sur une parcelle réduite de la population, ce qui contribuerait plutôt à l’élargissement des disparités entre les divers acteurs de terrain.

La préoccupation générale : comment évaluer l’impact ?

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Bill Gates lors de sa présentation à ICTD 2009

Durant les trois jours de la conférence une question récurrente était l’évaluation de l’impact de l’application des TIC dans des projets de développement. Un panel a été dédié à cette question, et elle était la ligne directrice de la présentation de Bill Gates.

Tout d’abord il est important de souligner la difficulté de mesurer le développement en général, tout en étant conscient que cette difficulté est très variable d’un domaine à l’autre : des indicateurs crédibles sont plus facilement mis au point dans le domaine de la santé que de l’agriculture ou l’éducation, par exemple. Ensuite, spécifiquement dans le cas de l’application des TIC, il est très difficile de mesurer la part de succès ou d’échec d’un projet qui peut être attribuée à l’utilisation de ces technologies. Personne n’a encore trouvé une façon objective de mesurer cette influence. Comme il a été dit plus haut, des approches de développement comme celle d’Amartya Sen valorisent des méthodes participatives d’actions et de recherche, souvent de nature qualitative, dont les résultats sont difficilement quantifiables de façon directe et objective. Cette difficulté, d’évaluation de l’impact de recherches-action basées sur des méthodes qualitatives, a été particulièrement soulevée par Björn Gigler, chercheur de la London School of Economics (Ecole d’Economie de Londres).

Bill Gates a insisté sur l’importance du développement de métriques et de stratégies de mesure et d’évaluation des projets de développement. Selon lui, cela devrait être intégrée à la propre conception des projets. Voici donc une des contradictions contre lesquelles se heurtent actuellement les acteurs de développement : d’un côté des bailleurs de fonds, soucieux d’assurer la bonne utilisation de l’argent qu’ils allouent aux projets de développement, exigeant des métriques et des stratégies objectives d’évaluation, de l’autre côté quelques chercheurs et praticiens avec de méthodes de travail innovantes, probablement plus efficaces et inclusives en termes de développement selon l’approche des capacités d’Amartya Sen, mais difficilement quantifiables.

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Salle principale de la Conférence ICTD 2009

La conférence ICTD reste un lieu privilégié de rencontre et d’échange entre des acteurs du domaine des TIC pour le développement, aussi bien du monde académique que des praticiens. Plusieurs projets sont présentés sous la forme d’articles, des posters ou des démonstrations. Pour en savoir plus et avoir accès au programme visitez le site de ICTD 2009 ou entrez en contact avec Eric Pasquati, chef de projet TIC à FARM.


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Publié le : 22 février 2010

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