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Conférence crise alimentaire

La conférence « Crise alimentaire : Engagements de la communauté internationale et enjeux de politique publique », organisée par le CSAAD, en partenariat avec FARM, le 28 janvier 2009, a permis de faire le point sur les réponses effectives et possibles de la communauté internationale et des États face à la crise alimentaire en cours. FARM en propose un compte-rendu.

Sommaire :

- Initiatives de la communauté internationale
- Quelles politiques face à la crise ?
- Documents disponibles

Initiatives de la communauté internationale

Après une introduction de Christian de Boissieu, l’après midi commence par une première table ronde consacrée aux initiatives de la communauté internationale en réaction à la crise alimentaire et à leur analyse, notamment concernant leurs effets structurels à long terme.
André Pouillès-Duplaix, sous directeur des politiques sectorielles et des OMD (Objectifs du millénaire pour le développement) au Ministère des Affaires Étrangères réalise l’exposé introductif sur les réponses opérationnelles internationales en 2008.Ses premiers constats :
- Bien que la hausse des prix ait été perceptible dès septembre 2007, ce n’est qu’après les émeutes de mai 2008 qu’une véritable réponse internationale émerge.
Les annonces ne se concrétisent pas toujours (les pays riches promettaient 22 milliards de dollars lors du sommet de la FAO – Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation – du 5 juin 2008 à Rome, la FAO estime que seul 2,3 milliards auraient effectivement été décaissés).
- En pratique, il est difficile de faire un véritable état des lieux (chiffres difficilement accessibles, mélange avec les financements déjà prévus, multiplicité des formes de réponses, décalage entre les annonces et les décaissements).
- La majorité des réponses ont été immédiates, de court terme et ont visé prioritairement la réduction du coût de l’alimentation et l’augmentation de l’offre domestique. Il faut noter qu’aucune évaluation de leur efficacité n’est prévue. Aujourd’hui peu de certitudes existent sur les engagements de long terme de la communauté internationale.

Des mesures de court terme principalement

M. Pouillès-Duplaix décrit ensuite les différentes initiatives de la communauté internationale en réaction à la crise alimentaire : leur objet, leur gouvernance, les annonces faites et les versements effectifs, le degré d’avancement.
Les stratégies immédiates ou de court terme sont les plus nombreuses, mises à part quelques initiatives comme celles de la BAD (Banque africaine de développement – 755 millions d’euros), de la fondation Bill et Melinda Gates, de l’Union européenne (1 milliard d’euros redistribués vers la sécurité alimentaire) ou encore de la BM (Banque mondiale, 1,2 milliards de dollars dont 364 millions décaissés en 2008).

En matière d’assistance alimentaire, la réaction des donateurs a été significative avec pratiquement un doublement des financements. Les besoins du PAM (Programme alimentaire mondial) ont en particulier été couverts. Des initiatives concernent également la protection sociale immédiate et la malnutrition maternelle et infantile.

Peu d’engagements fermes sur le long terme étaient identifiables jusqu’en décembre 2008 (à cette date a eu lieu la reconstitution du 8ième FIDA – Fonds international pour le développement agricole) pour le soutien à la croissance de la petite production agricole. Depuis, les engagements ont presque doublé par rapport à 2007. Le rapport 2008 de la Banque mondiale laisse penser que le plan d’affaires de cette institution pourrait évoluer vers l’agriculture. A noter, des déclarations d’intention pour l’extension de systèmes de protection sociale (UE, PAM), et la confirmation de ressources pour le renforcement des systèmes globaux d’information et de suivi (USAID, FAO, AFD – Agence française de développement).

Les programmes de relance de l’agriculture concernent principalement l’accès aux intrants

De nombreux programmes de relance agricole ont débuté, se traduisant principalement par des mesures visant à faciliter l’accès aux intrants, notamment par des distributions d’engrais et semences, mais aussi par des mesures de crédit à la production ou de contrôle des marchés domestiques. Les modalités sont diverses et il est encore difficile d’en tirer des enseignements, mais les questions de la mise en œuvre précipitée et de la pérennité de ces actions se posent.

Les politiques commerciales et fiscales nationales ont été modifiées, avec des conséquences budgétaires non négligeables, méritant une aide spécifique

Les politiques nationales commerciales et fiscales ont largement été modifiées pour répondre au contexte de chacun des pays touchés par la crise, avec une panoplie de mesures comprenant des barrières aux exportations (34 pays), des incitations à l’importation (24 pays), une réglementation des prix, des ventes subventionnées ou des déblocages de stocks stratégiques. Certaines mesures prises pour le court terme ont déjà été abandonnées.

La gestion des conséquences macro-économiques des mesures prises par les pays nécessitera probablement l’aide extérieure. Plusieurs instruments de la BAD, du FMI (Fonds monétaire international), et de la BM notamment, répondent à ces besoins.

En termes de gouvernance, la communauté internationale cherche à s’organiser pour aller au-delà des seules mesures budgétaires. Dans ce sens, la task force des Nations Unies présidée par Jacques Diouf a élaboré un plan d’action détaillé. André Pouilles-Duplaix conclut sur l’idée promue par la France, rejointe par le G8, d’un Partenariat Mondial pour l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire.

Bernard Bachelier, Directeur de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) résume ce premier exposé en soulignant que les mesures d’urgence ont été nombreuses et efficaces, notamment l’aide alimentaire du Programme Alimentaire Mondiale, les actions d’urgence et de relance de la FAO et la facilité rapide de la Banque Africaine de Développement pour l’Afrique. A moyen terme, de nombreux engagements aussi bien internationaux, multilatéraux que nationaux ont été annoncés et la mobilisation continue mais prend du temps. La question qui reste en suspend cependant reste celle de l’allocation précise de ces fonds.

Un équilibre difficile entre les intérets du monde agricole et des consommateurs urbains

Deux discutants ont réagi à cet exposé. Dans un premier temps, Xavier Beulin fait le constat que ce sont les effets de la crise alimentaire sur les consommateurs urbains qui ont attiré l’attention, car « les ruraux souffrent régulièrement de la faim en silence ». Il est rejoint dans cette analyse par le deuxième discutant, Ludovic Labodière, directeur adjoint des opérations à Agronomes et vétérinaires sans frontières qui apporte dans le débat un témoignage de terrain. M. Labodière fait le constat que l’insécurité alimentaire chronique existait avant la crise et sera probablement encore une réalité malgré les solutions d’urgences amenées en réaction à la crise. En effet, l’aide ponctuelle, bien que nécessaire dans certaines situations d’urgence, n’est pas structurante et ne donne pas à la population la capacité de résistance aux prochains chocs.

Concernant les causes de la crise alimentaire, M. Beulin exprime une position reprise dans le public sur le rôle prépondérant des institutions financières internationales et des politiques d’ajustement structurelles. Un autre facteur clé semble résider dans le fait que les intérêts des urbains aient été plus en pris en compte dans les décisions politiques que ceux des ruraux. Pourtant M. Beulin souligne l’importance de ne pas nécessairement opposer ces intérêts car ils peuvent se rejoindre.

Quelles politiques publiques face à la crise ?

La deuxième partie de l’après-midi a été dédiée à une table ronde détaillant les politiques publiques pouvant être mises en œuvre pour gérer et résoudre la crise alimentaire.

Plusieurs tentatives de régulation des marchés agricoles, aucun succès

Philippe Chalmin, économiste et professeur à l’université Paris Dauphine, a réalisé l’exposé introductif en analysant les différentes politiques de régulation des marchés et des prix agricoles existantes et en étudiant leurs conditions d’application dans les pays en développement. Il commence par préciser que par régulation, dans le secteur agricole, on entend la stabilisation des cours, la garantie des prix et éventuellement des revenus des producteurs. Historiquement, trois grandes approches ont été développées au niveau international pour stabiliser les prix agricoles :
- la mise en place de cartels qui assurent et gèrent à la fois les prix au producteur et les quantités commercialisées. Mais cela ne peut pas fonctionner dans le cas des marchés agricoles en raison du nombre très élevé de producteurs ;
- la fixation de quotas de production et/ou d’exportation (technique utilisée sur le marché mondial du café entre 1980 et 1986). Ce système est souvent trop peu flexible et a présenté des dérives (existence d’un marché noir et donc de doubles prix) ;
- la constitution d’un stock régulateur permettant de limiter la fluctuation des prix. Toutefois, la taille du stock est limitée à une taille financière donnée et ne peut s’opposer à des tendances de fond.

Des politiques de stabilisation plutot que de régulation

Concrètement, toutes ces méthodes ont échoué dans la régulation des marchés agricoles internationaux. Ainsi, ce sont plutôt des politiques de stabilisation des prix au niveau national qui ont été privilégiées. Différentes politiques ont été explorées :
- la mise en place de monopoles permettant une péréquation, assurant un prix d’achat, système démantelé par les mesures d’ajustement structurel ;
- la garantie d’un prix plancher, associée à une garantie du revenu (système utilisé aux États-Unis, financé essentiellement par les contribuables) ;
- la garantie de prix aux producteurs rémunérateurs (modèle PAC 1958, financé principalement par les consommateurs).

Quel modèle pour les PED ? Avec quels financements ? Et dans quel espace ?

Le système américain semble trop complexe pour être appliqué dans les pays en développement, alors que le modèle de la PAC de 1958, ayant fait ses preuves en ce qui concerne l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire et agricole européenne, semble plus adapté. Toutefois, deux questions restent. D’une part, ces politiques sont coûteuses, or les consommateurs des PED ne peuvent pas les payer et dans de nombreux cas les contribuables n’existent pas. Il s’agit donc de trouver des financements, dont une partie importante devra provenir de l’aide internationale. D’autre part, quel est l’espace pertinent pour développer des politiques de régulation des marchés agricoles ? Dans le cas africain, l’intégration régionale présente des perspectives intéressantes de constitution de marchés de production et de consommation ayant des tailles importantes et pouvant se prêter à une application de politiques agricoles de régulation. M. Chalmin conclut son exposé en soulignant l’importance du rôle que doit jouer la communauté internationale en appuyant la recréation de politiques agricoles et en permettant de trouver les financements nécessaires.

Les outils de gestion des risques peuvent etre un élément de réponse à la crise actuelle

Deux discutants ont réagi à cet exposé. Dans un premier temps, Pierre Jacquet, chef économiste à l’Agence française de développement, a rappelé l’importance de la mise en place d’outils de gestion des risques, outils complémentaires des politiques de régulation. Il souligne la difficulté d’identifier des réponses globales, les solutions pertinentes sont à développer localement selon lui. Il fait également part de son inquiétude face aux difficultés que peut introduire la crise financière dans la recherche de ressources pour le développement des politiques publiques des PED.

Analyse des politiques mises en place par les PED : des mesures concentrées sur la production agricole, délaissant la commercialisation, avec un impact budgétaire important

Ensuite, Roger Blein (Bureau Issala), a analysé les politiques mises en place par les gouvernements d’Afrique de l’Ouest pour faire face à la crise alimentaire. D’une part, il est revenu sur les événements de l’été 2008. Il précise que la hausse des prix internationaux ne s’est pas transmise aux marchés d’Afrique de l’Ouest instantanément et que l’ampleur de cette transmission, qui n’est jamais complète, dépend des pays. Les pays les plus sensibles à la hausse ont été ceux fortement dépendants des importations pour satisfaire leurs besoins alimentaires. Il souligne également que, indépendamment de la flambée des prix du deuxième trimestre 2008 et de la crise alimentaire, la volatilité des prix sur les marchés ouest-africains reste plus élevée que celle des prix internationaux. Enfin, il explique que selon lui, dans les vingt dernières années, le problème n’a pas été la volatilité des prix mais leur faible niveau : en effet, les prix ont été placés tellement bas qu’ils en étaient devenus stables. D’autre part, il a analysé les mesures adoptées par les gouvernements d’Afrique de l’Ouest, en en distinguant trois grands types :
des mesures de court terme visant à réduire les impacts de la crise sur les consommateurs : principalement, diminution des taxes appliquées sur les importations alimentaires et agricoles ;
- des mesures d’appui à la production agricole afin de garantir des récoltes importantes à la fin de la saison de culture en cours ;
- une relance de la production agricole sur un plus long terme.

Toutefois, M. Blein souligne que les mesures concernant le secteur agricole ne s’intéressent qu’à la production et délaissent la commercialisation, qui peut se révéler, selon lui, le véritable facteur limitant la réussite des politiques mises en place. Il revient également sur la question de l’échelle pertinente pour la mise en place de politiques publiques de régulation des marchés agricoles : dans les pays d’Afrique, des Caraibes et du Pacifique ,la négociation des accords de partenariat économique avec l’Union européenne a remis sur le devant de la scène les questions liées à l’intégration régionale. Cette dynamique peut être exploitée en développant des politiques agricoles au niveau des régions constituées dans le cadre de la négociation commerciale en cours.

Documents

Contribution servant de base à l’exposé introductif de M. André Pouilles-Duplaix, Sous directeur des politiques sectorielles et des OMD au Ministère des Affaires Etrangères.

Publié le : 7 avril 2010

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