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Accueil > Rangement > Évènements en partenariats > Hong Kong – 15 : les paysans prennent la parole

Intervention du Président René CARRON

Le 30 novembre 2005

Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Je me réjouis beaucoup d’être parmi vous ce matin.

J’adresse tout particulièrement à nos collègues africains un message de chaleureuse bienvenue.

Je félicite les organisateurs d’avoir pris l’initiative de cette manifestation.

Je suis intimement convaincu de l’utilité, je dirais même de la nécessité, de rencontres comme celle d’aujourd’hui.

C’est précisément ce que je disais il y a quelques jours, à Addis Abéba, en ouvrant les premières Assises mondiales du Financement Agricole et Rural. Cette manifestation réunissait les représentants de 300 institutions de crédit agricole et rural, venus de toutes les régions du monde.

C’est grâce à des rencontres comme celle ci, grâce aux tables rondes qui vont se dérouler aujourd’hui et demain, que les responsables d’organisations professionnelles africaines et françaises, parce qu’ils se connaîtront mieux, parce qu’ils auront eu la possibilité de partager leurs expériences et leurs idées, pourront ensemble définir le champ du possible qui leur permettra demain de se mobiliser pour agir.

Votre manifestation vient à point nommé. Elle constitue un événement historique, à la fois par l’importance et l’actualité des thèmes qui y seront évoqués et aussi par le nombre des responsables de qualité qui se retrouvent ici réunis.

C’est pourquoi, Je suis heureux de les accueillir. Je le fais au double titre du Crédit Agricole et de la Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM), l’un et l’autre engagés dans le soutien à cet événement.

Vous représentez plus de trente organisations professionnelles venant de plus de 21 pays de toutes les régions du continent. Vous êtes tous, africains et français, des agriculteurs, des paysans. Ce qui vous réunit ici, c’est que vous faites le même métier : un métier noble et dur. Il est noble par ses traditions millénaires et la responsabilité qu’il porte de nourrir l’humanité, mais c’est aussi un métier dur car vous dépendez des contraintes et des aléas du milieu naturel et que vous ne pouvez compter que sur votre force de travail et sur votre expérience.

Vous partagez tous un point commun. Vous êtes dépendants de facteurs externes que vous ne maîtrisez pas. Ces facteurs sont bien sûr, les aléas climatiques, mais il s’agit aussi de décisions économiques. C’est pourquoi les négociations internationales qui se déroulent loin de vous, selon des procédures qui vous échappent, vous inquiètent.

Vous partagez un métier commun. Toutefois les conditions d’exercice en sont profondément différentes. Les conditions concrètes de travail, de productivité, de revenus, de sécurité n’ont jamais été aussi éloignées dans l’histoire de nos continents respectifs. Elles varient en fonction du contexte écologique et aussi financier, économique et juridique de chaque agriculture. L’écart s’est constamment creusé depuis quelques dizaines d’années. Pourtant, la création et la structuration des organisations paysannes que vous représentez prouvent la mobilisation du monde agricole africain. En participant à cette manifestation vous témoignez, les uns et les autres, de votre volonté de prendre votre destin en mains.

C’est ce double diagnostic, celui d’un métier de plus en plus risqué, celui d’un métier de plus en plus inégalement vécu, qui a conduit un groupe d’entreprises et de professionnels à lancer le projet de Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde, FARM.

Le Président Jacques Chirac avait annoncé la création de FARM lors du Congrès Mondial des jeunes agriculteurs à Paris en juin 2003, puis lors de son discours inaugural au forum agricole de Dakar en janvier de cette année.

FARM a pour but d’aider les agriculteurs et les filières agroalimentaires des pays en développement. Pour cela, FARM propose de mobiliser le savoir faire, l’expérience et les moyens des entreprises et des professionnels européens. FARM s’adresse donc à vous, professionnels agricoles des pays en développement. FARM a été lancée parce que vous existez. FARM vous propose de concevoir ensemble de nouvelles formes de partenariat qui concilient le partage des idées, à partir d’expériences concrètes, assurent la promotion des questions agricoles dans les instances internationales et auprès de l’opinion publique et expérimentent des approches innovantes, pour ouvrir de nouvelles perspectives de développement.

En effet, les règles du commerce international pèsent d’un poids important sur les débouchés des produits et les revenus des producteurs. Toutefois, elles ne suffisent pas à assurer le succès des agriculteurs. La compétitivité est, en effet, le fruit de la productivité, de l’efficacité des filières et de l’organisation de la production.

Disant ceci, je ne néglige pas, bien sûr, l’importance des négociations en cours. La conclusion d’un accord à HongKong pour le cycle de Doha est essentielle pour la planète. Il ne me semble pas sain de miser sur un échec des négociations.
Encore faut-il qu’elles se déroulent dans un esprit de transparence, de compréhension et de respect mutuel.

Les échanges commerciaux concernent toutes les activités. Leur augmentation permet d’accroître la richesse globale de l’humanité. Mais le cycle de Doha est un cycle du développement. L’accroissement de richesse doit être équitable. Il doit surtout contribuer à la réduction de la pauvreté.

La question clef est celle de la distribution des richesses. Les marchés agricoles sont déséquilibrés - imparfaits diront les économistes - et par nature spéculatifs. C’est pourquoi ils doivent être encadrés et réglementés. Il ne s’agit pas de refuser le marché ni les échanges. L’histoire de nos deux continents est faite de ce commerce, depuis l’origine de son peuplement. La méditerranée fut toujours un espace autant économique que politique, et nous n’avons pas oublié les caravanes qui traversaient le Sahara.

Mais aujourd’hui l’espace s’est dilaté, et le temps s’est raccourci. Ces évolutions ont creusé les différences. Et les paysans du monde, selon l’économie à laquelle ils appartiennent, n’ont pas les mêmes chances de réussir. C’est pourquoi les règles de fonctionnement des marchés doivent être raisonnées en tenant compte de l’intérêt de tous. Ainsi nous savons que la libéralisation, surtout s’il elle se fait trop rapidement et sans accompagnement, profitera peu aux pays en développement et pas du tout aux pays les moins avancés. Elle profitera d’abord aux plus puissants, c’est-à-dire aux grandes puissances agricoles émergentes.

Elle aura, en outre, des effets négatifs pour les agricultures européennes et pour les pays ACP qui bénéficient déjà d’accès préférentiels au marché européen. Ces règles de marchés ne doivent pas s’attacher seulement au niveau des prix des produits agricoles. Elles doivent aussi garantir leur stabilité, et surtout leur prévisibilité. Quels industriels accepteraient de décider leurs investissements tout en étant incapables d’établir des prévisions fiables pour leurs prix de vente ? L’incertitude sur les prix, la volatilité diraient les économistes, est un facteur de déséquilibre. Ceci est particulièrement vrai pour l’agriculture qui est plus fragile économiquement, alors qu’elle est indispensable pour notre existence même.

En réalité, vos intérêts sont les mêmes au Nord et au Sud. C’est d’ailleurs ce qu’ont voulu dire les organisations professionnelles françaises qui sont à l’origine de cette manifestation. Elles se sentent concernées par l’ensemble des agricultures et des agriculteurs du monde. Ce que vous défendez, ce n’est pas le statu quo ; ce pour quoi vous vous battez, c’est pour une vision et un avenir.

C’est la possibilité d’anticiper et d’investir en connaissance de cause. Si les marchés offrent ces perspectives, encore faut-il pouvoir en tirer parti. C’est la raison pour laquelle la bataille de la compétitivité et la maîtrise de la valeur ajoutée sont incontournables.

Les fondateurs et les amis de FARM, les entreprises et les professionnels qui portent et accompagnent ce projet veulent aider les agriculteurs que vous êtes à relever ce défi. Ils vous proposent d’aborder avec vous des thèmes prioritaires, tels que les politiques agricoles, l’innovation et le progrès technique, la commercialisation et la logistique, les biens essentiels de la vie rurale, l’eau et l’énergie, le financement de l’agriculture.

Il y a, derrière ces mots, des réalités et des expériences très concrètes. Ainsi nos amis malgaches ont-ils développé avec les caisses régionales du crédit agricole, des méthodes de microcrédit adaptées aux activités agricoles selon l’approche mutualiste.

Le groupe Casino a développé des partenariats directs avec des producteurs qui garantissent la commercialisation de leurs produits. Les autres fondateurs de FARM, Suez, Limagrain-Vilmorin, Air France, l’Agence Française de Développement, possèdent chacun des compétences utiles à la réussite des filières agricoles.

FARM s’efforcera de concilier la méthode et l’action afin que sa contribution aux évolutions et progrès de l’agriculture et du monde rural soit adaptée, efficace et durable. La Fondation entend travailler dans le respect et en bonne entente avec tous les autres acteurs concernés.

Le cycle de Doha est un cycle du développement. Les règles doivent du commerce doivent aider à lutter contre la pauvreté. Les mesures doivent aussi s’accompagner des moyens et de la compétence technique qui aident les filières à devenir compétitives. Mais de toute façon, c’est avant tout des acteurs économiques eux-mêmes, professionnels et entreprises que dépendra le succès. C’est ce à quoi les fondateurs de FARM proposent de s’atteler.

Ils souhaitent que cette rencontre soit le point de départ d’un nouveau dialogue et d’une nouvelle conception du partenariat. C’est vous qui travaillez. C’est vous qui prenez des risques. C’est vous qui décidez.

Chers amis, « Hong Kong – 15 » ne doit pas être une rencontre internationale de plus. Elle doit être le socle de réflexion pour agir et agir utilement.

Agriculteurs, partenaires ou héritiers du monde agricole, nous savons plus que d’autres que chaque habitant de notre planète détient un droit universel :
Etre reconnu et respecté pour ce qu’il est avant de l’être pour ce qu’il représente.

Ce droit fondamental crée pour chacun d’entre nous le 1er devoir d’exigence morale qui est de tout faire pour assurer les besoins alimentaires essentiels.

Cette expression de notre responsabilité collective recouvre des exigences en matière de partage d’expérience, de formation, de légitimité et enfin d’éthique.

C’est à ces conditions que nos communautés seront des communautés d’ambition humaine porteuses de sens et non des conservatoires de nos égoïsmes respectifs.

C’est à ce prix que nous donnerons au champ du possible une dimension essentielle, celle de la dignité.

Permettez moi, pour conclure, de redire devant vous, les paroles prononcées par un saint homme s’adressant à son créateur :

« Seigneur, accordez moi
- La sérénité, pour que j’accepte ce que je ne puis changer
- Le courage de changer ce qui peut l’être,
- La sagesse, pour que je ne confonde pas l’un et l’autre »

Chers amis, c’est très profondément ce que je nous souhaite !

Publié le : 16 mars 2006

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