La présentation du rapport sur le développement dans le monde 2008 de la Banque Mondiale s’est tenue jeudi 8 novembre à la Fédération Nationale du Crédit Agricole.
Le Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Michel Barnier, annonce qu’un des trois colloques qui prépareront la présidence française de l’Union européenne portera sur les solidarités alimentaires internationales.
Ibrahim Assane Mayaki, ancien premier ministre du Niger et actuel directeur exécutif du Hub Rural à Dakar, appelle à un changement de mentalité donnant la priorité au développement des exploitations agricoles et le soutien aux paysans pour qu’ils deviennent des entrepreneurs.
Le rapport de la Banque mondiale sur l’agriculture constitue un apport exceptionnel d’autant plus qu’il intervient au moment où l’augmentation des prix agricoles sensibilise les décideurs à l’importance stratégique de l’agriculture. La place qu’il accorde à l’Afrique, aux exploitations familiales, à la compétitivité des filières et au rôle de l’Etat rejoint la vision souvent exprimée par les acteurs français et la stratégie de FARM en particulier. Il ouvre ainsi la voie à une nouvelle ère de conception et de mise en œuvre des actions de développement agricole.
Christopher Delgado, conseiller pour les stratégies et politiques rurales à la Banque Mondiale, a présenté les principales conclusions du rapport sur le développement dans le monde.
L’agriculture en tant que instrument de développement a de multiples fonctions.
Premièrement, l’agriculture est une source de croissance, notamment dans les pays à vocation agricole. Dans ces pays, elle constitue le principal secteur d’activité, en termes d’emploi et de PIB généré. La croissance agricole se traduit donc par une croissance significative du PIB total. De plus, la productivité agricole détermine le prix des denrées alimentaires car ces dernières ne sont le plus souvent pas parfaitement échangeables dans les pays à vocation agricole. Le prix des denrées alimentaires détermine à son tour les coûts salariaux et donc la compétitivité des secteurs exportateurs. La productivité agricole influence donc directement la croissance économique globale.
L’agriculture est une source de revenus importante puisqu’elle concerne, dans les pays en développement, 2,5 milliards d’agriculteurs et 900 millions de ruraux vivant avec moins de 1 dollar par jour.
Le secteur agricole a certes des effets négatifs sur l’environnement (utilisation des ressources en eau, émission des gaz à effet de serre) mais elle est aussi l’une des principales sources de services environnementaux, tels que la fixation de carbone et la gestion des bassins versants. Des systèmes de production durables doivent être promus et la fourniture de services environnementaux mise en avant.
De plus, M. Delgado a souligné que « la croissance du PIB provenant de l’agriculture augmente le revenu des pauvres 2 à 4 fois plus qu’une croissance du PIB qui n’est pas due à l’agriculture ». En d’autres termes l’agriculture est à l’origine d’une croissance qui bénéficie aux plus pauvres.
Après avoir affirmé que « l’agriculture est indispensable à la croissance en Afrique subsaharienne », M. Delgado trace un plan d’action cette région.
Une révolution de la productivité des petits exploitants doit avoir lieu, « plus de 170 millions de pauvres pourraient en bénéficier »
L’augmentation de la productivité pourra passer par la révolution verte, qui ne sera pas gérée comme en Asie : elle devra être « différentiée, décentralisée, multisectorielle et régionale ».
Quatre éléments pourront favoriser une agriculture au service du développement : des marchés et des filières plus performants, des petits exploitants compétitifs (notamment dans les zones à haut et moyen potentiel productif), une amélioration de la productivité de l’agriculture de subsistance, la diversification des sources de revenu des familles rurales qui passe par l’amélioration de l’économique rurale non agricole.
Mettre l’agriculture au service du développement demandera également la définition de nouveaux rôles pour l’Etat, le marché et la société civile. Les organisations de producteurs devront joueront un rôle important en apportant la compétitivité aux petits producteurs, le secteur privé permettra la constitution de filière menant jusqu’à la mise sur le marché de la production des petits agriculteurs et l’Etat devra améliorer sa gouvernance et participera de manière stratégique à des partenariats public-privé.
Suite à cette présentation, des personnalités politiques commentent les résultats du WDR 2008.
Ibrahim Assane Mayaki, directeur exécutif du Hub rural, appelle à un changement de paradigme ciblé sur trois priorités :
Le développement des exploitations agricoles ;
Le soutien des paysans pour qu’ils deviennent des entrepreneurs ;
Le recentrage des missions des administrations.
Il indique que ce changement de paradigme implique un changement de mentalités : « les choses changent lorsque les rapports de force changent »
Jean-Michel Severino, directeur général de l’Agence française de développement (AFD), indique que le rapport arrive au bon moment car le contexte a changé. On est en train du passer du triptyque « refinancement de la dette – compensation sociale – réformes structurelles de la libéralisation » à un nouveau paradigme basé sur « l’investissement - la croissance - les équipements - le marché ». Dans ce contexte, les priorités d’action de l’AFD dans le domaine agricole pour l’Afrique seront :
Les organisations paysannes ;
L’ingénierie financière (qui inclut l’utilisation de la microfinance et la mésofinance ainsi que les mécanismes de gestion des risques) ;
Le développement et l’équipement local ;
Les productions alimentaires.
Dans les pays émergents, les projets agricoles de l’AFD privilégieront la lutte contre le réchauffement climatique.
Michel Barnier, Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, a commenté de façon approfondie le rapport. Il a insisté sur l’importance de l’existence du rapport qui permet de remettre la question agricole en perspective – « le rapport remonte la ligne d’horizon ». Le Ministre a souligné le défi de l’augmentation de la productivité et donc des financements. C’est pourquoi il appelle de ses vœux à une réorientation de l’aide publique au développement. Concernant la gouvernance mondiale, il a affirmé qu’il ne croit pas que la libéralisation soit positive pour les pays les plus pauvres et que l’Europe devrait jouer un rôle de régulation des marchés mondiaux. Enfin, il a indiqué qu’il avait lancé trois colloques pour préparer la présidence française de l’Union européenne au deuxième semestre de 2008 : nutrition et alimentation, recherche agricole, solidarités alimentaires internationales.
Participants à la table ronde :
Joseph d’Auzay, directeur général de la Fédération Nationale du Crédit Agricole
Anne-Sophie Brouillet, Chargée de mission du Réseau Impact
Jean-Marc Chataigner, Directeur de cabinet du Secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie
Kathy Sierra, Vice-Présidente de la Banque mondiale pour le Développement durable